Renforcer le partenariat économique au sein de la zone euro

1.  Harmoniser progressivement les cadres fiscaux et sociaux au sein de la zone euro

2.  Créer un Trésor de la zone euro chargé des prévisions macroéconomiques dans l’ensemble de la zone, sous le contrôle du Congrès de la zone euro

3.  Mettre en place une capacité d’endettement contracyclique de la zone euro, soumise à des règles strictes de gouvernance budgétaire fixées par le Congrès de la zone euro, et gérée par le Trésor de la zone euro

4.  Renforcer la coordination des politiques économiques en donnant un pouvoir de véto aux institutions européennes en cas de politique clairement non-coopérative ou inappropriée

5.  Utiliser la Banque Européenne d’Investissement pour soutenir les exportateurs européens

6.  Poursuivre la mise en œuvre pleine et entière des trois piliers de l’Union bancaire, en plaidant pour un degré de mutualisation ambitieux

Un renforcement de la gouvernance fiscale et budgétaire au niveau de la zone euro (qui ne s’accompagnerait toutefois pas de transferts directs de recettes et dépenses aux institutions correspondantes, à la différence du noyau dur de l’Union Européenne) est nécessaire pour combler les lacunes de fonctionnement actuelles. En effet, un modèle fondé sur le seul contrôle des budgets nationaux par les pairs, même avec une forme de mutualisation de la dette, rend malaisée la conduite d’une politique budgétaire contra-cyclique et donne aux institutions européennes un rôle très coercitif. Qui plus est, les Etats de la zone euro doivent continuer d’approfondir la coordination de leurs politiques économiques, afin de préserver la stabilité de la zone monétaire.

Ainsi, une réflexion doit être engagée sur l’harmonisation des cadres fiscaux et des politiques sociales au sein de la zone euro, en commençant par dresser un état des lieux des divergences et des points communs dans ces domaines, et par définir un corpus de règles communes de bonne pratique quant aux assiettes, taux et modes de recouvrement des différents impôts et cotisations sociales.

La surveillance budgétaire actuellement exercée au niveau du Conseil Européen pourrait être transférée au Congrès européen (c’est-à-dire le Parlement Européen et le Conseil des Ministres de l’UE) en format zone euro, et s’appuyer sur un Trésor de la zone euro. Celui-ci serait notamment chargé de réaliser les prévisions macroéconomiques au sein de la zone euro, dans son ensemble et pour chaque pays, ainsi que de l’analyse des budgets et des politiques économiques nationales. Cela permettrait de renforcer le rôle des instances communautaires en amont de l’élaboration des projets de loi de finance nationaux, et d’assurer une gouvernance plus efficace et acceptable des finances publiques. En effet, l’ensemble des pays pourraient bénéficier de prévisions macroéconomiques indépendantes et élaborées de façon harmonisée, garantissant ainsi une plus grande égalité de traitement dans la construction et l’évaluation des budgets nationaux.

En contrepartie d’un renforcement du contrôle budgétaire communautaire, il pourrait être envisagé de mettre en place une capacité d’endettement commune gérée par ce Trésor de la zone euro et adossée à un budget commun constitué de contributions, à définir, versées par les Etats-membres. Les possibilités de recours des Etats à ce mécanisme devraient être strictement encadrées dans une logique contra-cyclique. Un tel mécanisme pourrait en particulier être mobilisé en cas de tension passagère sur le refinancement de certains Etats, et conditionné à la signature d’un accord formel avec le Congrès de la zone euro relatif à la mise en œuvre de réformes structurelles.

En outre, un renforcement de la coordination ex ante des réformes économiques en zone euro apparaît indispensable, afin d’éviter que des déséquilibres trop importants en termes de compétitivité, de balance commerciale ou de prix des actifs immobiliers ne s’accumulent. Toutefois, un tel mécanisme devra autoriser une flexibilité suffisante qui permette de tenir compte de l’hétérogénéité des besoins locaux. Par conséquent, la procédure relative aux déséquilibres macroéconomiques introduite récemment (« 6-pack ») pourra être adaptée et renforcée, à partir d’une discussion plus en amont sur les réformes importantes (marché du travail, marchés des biens et services, fiscalité, énergie, santé, retraites, financement de l’innovation, etc.), et d’un droit de véto des instances européennes dans le cas où une politique nationale est clairement jugée non coopérative ou inappropriée.

Il s’agirait également de donner à la zone euro une meilleure visibilité vis-à-vis de l’extérieur et dans les institutions internationales, et de promouvoir une politique commune dans les domaines du développement, de l’approvisionnement en matières premières et du soutien à l’exportation (par exemple en redéfinissant le rôle de la Banque Européenne d’Investissement, qui pourrait apporter un soutien financier aux exportateurs européens, comme le font les Etats-Unis, le Japon ou la Corée du Sud).

Enfin, les travaux engagés sur l’Union bancaire doivent être poursuivis et menés à leur terme, sur un champ toutefois plus vaste que la zone euro. En effet, une coopération renforcée avec l’ensemble des Etats de l’UE, dont les systèmes financiers sont fortement interconnectés avec ceux de la zone euro (Royaume-Uni par exemple, au vu du grand nombre de produits financiers en euro échangés sur la place londonienne), apparaît indispensable pour préserver autant que possible la stabilité financière.

Les interventions volontaristes de la BCE depuis 2008 ont permis d’atténuer les tensions sur le refinancement des banques de la zone euro, ainsi que sur les souverains périphériques mais ne sauraient constituer une réponse structurelle aux difficultés auxquelles nos économies font face et n’ont pas vocation à être pérennisées.

Ainsi, pour sortir de la crise, il convient de briser le cercle vicieux entre le financement des banques et celui des Etats. A ce titre, et en contrepartie d’une recapitalisation directe des banques en difficulté par le Mécanisme Européen de Stabilité (MES), il apparaît essentiel de renforcer les pouvoirs de l’échelon européen relatifs à la régulation bancaire, et d’harmoniser les pratiques nationales en cette matière. Une telle union devra pleinement s’appuyer sur ses trois piliers, dont la mise en œuvre devra être menée à son terme :

1. Un Mécanisme de supervision unique (MSU) a vocation à centraliser la supervision des banques en s’appuyant sur les autorités nationales. Adossé à la BCE et soumis à l’autorité du Conseil des Gouverneurs mais disposant d’une importante autonomie opérationnelle, ses principales caractéristiques ont déjà fait l’objet d’un consensus au niveau européen, et il est actuellement prévu que ce dispositif soit pleinement opérationnel en 2014 ; l’autorité bancaire européenne (ABE) est par ailleurs en charge de faire converger les règles et d’élaborer un manuel unique de supervision bancaire.

2. Le second pilier consiste à mettre en place une procédure de résolution harmonisée. Celle-ci permet d’impliquer davantage les actionnaires et certains créanciers des banques en cas de crise (en convertissant des obligations en actions), afin de préserver les finances publiques et donc les contribuables. L’introduction de ces principes de résolution des crises bancaires (dont l’entrée en vigueur est prévue en 2016) est couplée à la création d’une autorité unique de résolution ; les discussions européennes ont abouti sur un compromis en décembre 2013 qui prévoit une montée en charge d’un fonds de résolution pendant les 10 prochaines années. Au total, même si l’accord agréé par le Conseil constitue indéniablement un pas dans la bonne direction, d’importantes zones d’ombre persistent quant au degré de mutualisation lors de la phase de transition, mutualisation que la situation économique actuelle rend nécessaire et sans laquelle la sortie de la crise sera plus difficile. Aussi la législature suivante doit être l’occasion d’approfondir cette question essentielle et de réfléchir aux possibilités de raccourcir la période de transition prévue avant l’utilisation mutualisée du fonds.

3. Le troisième pilier vise à uniformiser les mécanismes de garantie des dépôts, qui sont pour l’heure très différents d’un pays à l’autre, ce qui ne facilite guère leur mobilisation et la mutualisation de leurs ressources. L’accord de décembre a seulement conduit à confirmer la mise en place d’une garantie des dépôts à hauteur de 100 000 € dans tous les pays d’Europe. L’instauration d’un dispositif commun de garantie des dépôts, centralisé au niveau européen et qui permettrait ainsi à l’avenir de renforcer la résilience et la confiance dans le secteur financier de l’ensemble de la zone euro, doit être soutenue. Pour des raisons de synergie, ce fonds pourrait à terme être fusionné avec le fonds de résolution, et assurer les deux missions (fonds de résolution et garantie des dépôts).

Sur les autres segments du système financier (marchés, assurance), les travaux relatifs à l’harmonisation devront être poursuivis et approfondis, en s’appuyant sur les deux autorités européennes créées suite à la crise, et dont la mission principale est de promouvoir des pratiques communes dans la supervision.

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