Alors que la loi de Transition énergétique est à nouveau étudiée en seconde lecture à partir de demain à l’Assemblée nationale, le député (UMP) Hervé Mariton estime que ce texte, tel que porté actuellement par le gouvernement, fait courir des “risques” au pays.Que reprochez-vous à la loi de Transition énergétique ?
Le parlement s’apprête à voter une loi qu’une grande partie de la France considère comme supportable que si elle n’est pas appliquée. Je m’explique. En l’état, notamment en ce qui concerne tout le volet sur le nucléaire, la loi une fois votée sera parfaitement impossible à mettre en oeuvre.  Et je reproche aux initiateurs de cette loi d’en être parfaitement conscients mais de s’en laver les mains. Une fois la loi votée, il sera facile de passer à autre chose. Ce n’est pas ça la démocratie.

La fermeture de la centrale de Fessenheim ne devait-elle pas être une première étape ?
Cette fermeture n’a économiquement aucun sens. Elle n’est que le fruit d’un accord politique passé avec les Verts. En menant les travaux de modernisations adaptés, certaines centrales aux Etats-Unis ont déjà été prolongées à 60 ans, voire à 80 ans. Et cela ne pose aucun problème. D’ailleurs notre gouvernement demeure très prudent là-dessus et entretient un certain flou. Car nul part dans les textes il n’est précisé qu’il s’agira spécifiquement de Fessenheim. L’Assemblée nationale parle simplement d’un plafonnement de la puissance électrique du parc national à 63,2 gigawatts (GW). Le Sénat lui en veut 64,8 GW. Il peut donc s’agir d’un seul des deux réacteurs de Fessenheim et d’un réacteur d’une autre centrale. Ou même de deux réacteurs d’une autre centrale. Tout ça, ce sont des tergiversations d’experts qui ne conduisent qu’à exclure le citoyen du vrai débat.

La promesse de François Hollande de réduire la part du nucléaire de 75 % à 50 % d’ici à 2025 vous semble donc impossible à tenir ?
Comment voulez-vous le faire dans un délai aussi court ? Il faudrait pour cela fermer une vingtaine de réacteurs ! Les conséquences au niveau économique et social serait catastrophiques, et le pays ne s’en relèverait pas. Donc soit les initiateurs de cette loi sont inconscients ou criminels, soit ils n’y croient eux-même pas. Dans un rapport que j’ai publié en octobre 2014 avec le député PS Marc Goua, nous avions estimé le coût de la seule fermeture de Fessenheim à quelque 5 milliards d’euros, soit 4 milliards de pertes économiques et 1 milliard pour le démantèlement. Au global, si on s’en tient à la loi présentée demain à l’Assemblée nationale, passer à 50 % d’électricité nucléaire coûterait à la France plusieurs dizaines de milliards d’euros. Sans parler des risques de rupture d’approvisionnement d’électricité puisqu’en moins de dix ans, le renouvelable n’aura jamais le temps de s’imposer suffisamment pour compenser le manque à produire du nucléaire. Et je ne parle pas de l’impact social sur les 125 000 salariés qui travaillent pour le secteur du nucléaire en France.

La loi comprend également un certain nombre de mesures sur l’efficacité énergétique. Vous ne les trouvez elles non plus pas satisfaisantes ?
Toute initiative dans ce sens est évidemment bonne à prendre. Mais je reproche que ces mesures sur l’efficacité énergétique jouent le rôle de l’arbre qui cache la forêt. Le gouvernement les met en avant et s’en sert comme anesthésiant pour endormir l’opinion publique et détourner son attention des vraies problématiques.

Vous travaillez actuellement à l’écriture d’un rapport sur la situation d’Areva avec le député PS Marc Bois. Comment est-on arrivé à un tel désastre industriel ?
La catastrophe de Fukushima en 2011 a forcément eu des conséquences importantes. Mais il se pose également la question de la gouvernance du groupe, et de son manque d’anticipation. Et derrière, celle de la responsabilité de l’Etat, qui est rappelons-le actionnaire à 87 %. Responsabilité qui est aujourd’hui encore mise en cause à travers la loi de Transition énergétique puisque le contenu de cette loi aura de fortes répercussions sur la filière nucléaire. Et donc sur le devenir d’Areva. Les enjeux sont donc considérables.

Propos recueillis par Erwan Benezet
Rapport sur Fessenheim