La retenue de l’impôt à la source : démagogie et communication

Le gouvernement ne corrige pas une trajectoire économique et fiscale funeste mais lance, avec le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, une réforme formelle, inutile et périlleuse. Mon opposition à ce projet est constante et cohérente.

  1. Antipédagogique.

Plutôt que de préparer courageusement le bon équilibre de la maitrise des déficits, de la baisse des dépenses et des impôts, le gouvernement lance -avec succès- médias et citoyens dans un débat instrumental bien plus mineur mais plus facile à visualiser. Les lois de Parkison ne sont jamais loin.

  1. Pas moderne.

La retenue à la source a été mise en œuvre puis abandonnée dans les années 1940 ! Elle est inutile dès lors que déclaration préremplie, mensualisation et télépaiement se conjuguent. Elle est contradictoire avec une évolution de la société tendant vers la diversification des sources de revenus, l’économie collaborative et la fin du salariat comme modèle unique.

  1. Périlleuse.

On sait la facilité avec laquelle gouvernements de gauche et de droite augmentent les impôts en France. Notre lecteur sait mal combien il paie de CSG (prélèvement à la source), il connait le montant de son impôt sur le revenu. La retenue à la source fonctionne comme un anesthésiant qui rendra la douleur moins perceptible. Danger !

  1. Et la famille ?

La retenue à la source n’est pas strictement incompatible avec le quotient familial et le calcul de l’impôt par foyer fiscal, mais une fois installée, quel sera le prisme du débat ? Les taux par part appliqués à la famille ou les taux individuels imagés par niveau de salaire ? La simplicité du débat portera à l’individualisation de l’impôt. Ce choix de société est celui de la gauche, pas le nôtre.

Aujourd’hui un jeune qui rentre sur le marché du travail ne paie d’impôt que l’année d’après. Il faut anticiper, mais cela aide. Ce sera fini.

  1. Juste ?

L’argument de justice pour adapter en temps réel l’impôt du contribuable dont les revenus baissent ne tient pas dès lors qu’il peut déjà obtenir, pour cette raison, un étalement de son impôt.

  1. Risque de tensions dans l’entreprise.

La comparaison des revenus nets d’impôts dira la situation de chacun. Elle peut, pour les plus forts, stimuler une revendication salariale nette (d’IR) de net (de charges sociales).

  1. Aimant de la fusion IR-CSG.

Cette fusion exige un prélèvement à la source. Ce pas nécessaire serait ainsi accompli. Pour une « flat tax » ? Ce serait la cohérence et la simplicité absolues ! Mais la probabilité serait bien plus grande qu’elle facilite le choix assumé des socialistes vers la progressivité de la CSG, c’est-à-dire l’augmentation de l’impôt des classes moyennes.

  1. Effets sur la conjoncture ?

On nous dit que la retenue à la source permettrait d’accélérer l’effet des mesures fiscales conjoncturelles. Il y a danger à trop en jouer ; surtout le taux payé par le contribuable serait selon le gouvernement supposé intégrer son historique conjugal, familial, la diversité des autres revenus. L’idée d’un effet conjoncturel est contradictoire avec cette consolidation personnelle.

  1. Complexités pour les entreprises.

On n’oubliera pas les complexités, le coût, pour les entreprises de ce prélèvement, l’aléa même du reversement à l’Etat…

Que d’énergie, de temps et d’argent passés pour de la com plutôt que sur de vrais sunets. « Heureusement » d’ici à 2017, rien de concret et d’irréversible n’aura été accompli. Clairement, soit la proposition retenue à la source est une modalité technique sans intention ni d’augmentation ni de chamboulement des impôts, elle est alors au mieux inutile, surtout anachronique, complexe et coûteuse. Soit elle présage d’un impôt plus individuel et plus progressif et elle justifie une opposition vigoureuse, tant en raison de nos convictions économiques que notre vision de la société.

 

 

Comments(2)

  1. Sten Malmstöm says

    Monsieur le Député,
    J’ai lu votre article dans le Figaro (20/06/15) et franchement tous les arguments, sauf le dixième, n’ont aucune valeur. Je suis de nationalité suédoise (jamais à gauche plutôt libéral) et j’habite en France depuis 2006. J’ai travaillé 35 ans en Suède et 7 ans aux États-Unis. Cela vaut dire que j’ai vecu 42 ans avec le prélèvement à la source (PAS) sans aucun problème. Il est vrai que au début le PAS va créer quelques coûts pour les entreprises. La solution : puisque les entreprises collectent l’impôt pour l’état on peut diminuer les charges d’une fraction. Il est intéressant que la France et la Suisse sont les deux pays en Europe qui n’ont pas le PAS. Pourquoi ?
    Cordialement,
    Sten Malmström

  2. Lacuzon says

    Je crois au contraire que ces arguments sont tous pertinents et frappés du bon sens, qui semble cruellement manquer à nos gouvernants actuels.
    Il faut lutter contre cette mesure inutile et nuisible, qui alourdit inutilement les charges des entreprises, autant en temps qu’en argent.
    Quant au commentaire précédent, dire qu’il n’y a aucun problème en Suède, ce n’est pas le débat, surtout si vous êtes salarié ou fonctionnaire.
    La complexité vient de la multiplicité des sources de revenus, et en France cela existe.
    La simplification annoncée est bien entendu un leurre.
    Quant à dire que la Suisse ne pratique pas la retenue à la Source, renseignez vous, elle y existe bien.

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