Hervé Mariton – Questions lors du débat sur le projet de programme de stabilité – 29 Avril 2014

Nous venons de vivre, monsieur le Premier ministre, deux années extrêmement difficiles pour notre pays : deux années difficiles pour les Français, avec un nombre croissant de chômeurs, deux années difficiles marquées par l’augmentation des impôts, deux années difficiles pour nos entreprises, marquées par le déclin que votre politique a provoqué.

Dans une telle situation, il faut réagir. Vous nous dites vouloir le faire à votre manière et selon vous, monsieur le Premier ministre, nous vivrions aujourd’hui un moment de vérité. Chiche !

Chiche, car ce moment de vérité est nécessaire. Il est nécessaire parce que votre bilan, au fil de ces deux années, est catastrophique. Il est nécessaire car, au-delà de ces résultats tragiques, nul ne sait en réalité où vous voulez mener l’économie de notre pays.

Ces deux dernières années, tantôt vous avez aggravé la charge des entreprises, tantôt vous l’avez allégée. Tantôt vous leur avez imposé des contraintes nouvelles, tantôt vous avez tenu un discours plus aimable à l’égard de l’économie et des entreprises.

Alors, où en sommes-nous aujourd’hui ? Les plus aimables à votre égard, il y a quelques semaines à peine, déclaraient que le problème n’était pas que vous ayez une mauvaise politique économique. Mauvaise, elle l’est certes, par ses résultats. Et certains disaient : « Mais au fond, y a-t-il une politique économique du Gouvernement ? »

Les plus aimables concluaient qu’en réalité, il y a deux politiques économiques, de sens contraires !

Les plus optimistes, ce soir, pourraient dire qu’enfin, vous avez choisi. Enfin, vous auriez choisi d’honorer les entreprises, d’interrompre le matraquage fiscal, de simplifier. Enfin, vous auriez choisi de ne plus enfermer nos concitoyens dans cette politique malheureuse qui les assomme depuis deux ans.

C’est une partie du discours que vous tenez. C’est un discours aimable, qu’il peut être agréable d’entendre.

Hélas, monsieur le Premier ministre, si vous semblez dans le discours, après deux années d’errance, avoir choisi une voie qui serait moins mauvaise, en réalité, dès qu’on regarde le contenu de votre plan, dès qu’on regarde les chiffres, on s’aperçoit que vous mentez aux Français.

Vous mentez aux Français, monsieur le Premier ministre, dans le programme de stabilité dont nous parlons beaucoup, mais vous mentez aussi dans ce programme national de réformes que vous présentez en même temps, qui n’est que reculades et contre-vérités.

Monsieur le Premier ministre, sans doute votre orientation générale et votre discours peuvent-ils paraître plus aimables, mais vous masquez aux Français l’effort à réaliser.

Vous le masquez de plusieurs manières. L’une est sans doute usuelle, mais vous l’aggravez beaucoup. Pour un foyer normalement constitué, faire des économies, c’est dépenser moins. Pour le budget de l’État, avec votre Gouvernement et d’autres avant, faire des économies, c’est ralentir l’augmentation de la dépense.

Jusque-là, rien que de très classique, même si ce n’est guère brillant. Mais vous faites mieux, messieurs les ministres. Prenons un exemple précis ; dans ce genre de débat ce peut être utile.

Vous décidez de poursuivre la non-indexation de l’indice de la fonction publique et vous dites que c’est une économie. Mais poursuivre ce blocage, ce n’est pas dépenser moins ; ce n’est pas non plus arrêter une progression, puisqu’elle était déjà arrêtée. Au risque d’être un peu parodique, je vous invite à envisager le chemin de bon sens sur lequel vous pourriez progresser, monsieur le Premier ministre. Pour certains, faire des économies, c’est diminuer les dépenses. Pour d’autres, sans doute plus savants, cela porte sur des dépenses qui viendraient en plus. Pour vous, c’est économiser sur des dépenses supplémentaires qui ne sont pas réellement supplémentaires, mais qui auraient pu être !

Voilà ce que veut dire prétendre que le blocage de l’indice de la fonction publique serait une économie.

De façon plus massive, monsieur le Premier ministre, depuis que les ministres ont laborieusement présenté le pacte de stabilité en commission des finances la semaine dernière, sans répondre à nos questions précises, vous mentez sur l’ampleur de l’effort à réaliser, parce que chacun le sait : 50 milliards, cela ne fait pas le compte.

Déjà l’an dernier, au début de l’année, – et après moult hésitations vous avez choisi de ne pas reporter l’objectif des 3 % de déficit public pour 2015 – la Cour des comptes avait dit qu’il fallait un effort de trois fois 17 milliards, soit un peu plus de 50 milliards.

À cette contrainte, qu’on peut justifier, vous avez ajouté, monsieur le Premier ministre, un certain nombre d’annonces successives de baisses d’impôt. Baisser les impôts, c’était bien le moins, après le matraquage de ces deux dernières années. Mais où est le financement de ces baisses d’impôt ?

Dans l’abondant rapport des ministres, je n’ai rien trouvé. J’ai lu, il y a quelques minutes, la note tout à fait intéressante que notre collègue rapporteure générale du budget Valérie Rabault a transmise aux membres de la commission des finances : pas le début d’une justification non plus du financement des baisses d’impôt !

Monsieur le Premier ministre, vous devez être un chef de Gouvernement extraordinaire pour être capable de nous expliquer ce que ni les ministres, talentueux, ni la rapporteure générale du budget n’ont réussi à nous expliquer et à nous démontrer.

Il y a manifestement, dans votre affaire, un mistigri de plus d’une vingtaine de milliards d’euros – ce qui n’est pas tout à fait rien – sur lesquels, aujourd’hui, la représentation nationale n’est nullement renseignée.

Il y a dans votre programme 50 milliards d’économies peut-être, si l’on s’en remet à votre bonne foi ; il n’y a pas en tout cas – et je vois que votre ministre des finances opine – de quoi financer à la fois le pacte de stabilité et les mesures de baisse fiscale.

Monsieur le Premier ministre, ce ne serait pas du luxe, dans une démocratie ordinaire, qu’il y ait une réponse à cette question.

En réalité, vous mentez aux Français… Vous mentez aussi à Bruxelles, vous mentez à votre majorité et sans doute vous vous mentez à vous-même.

Une simple proposition, monsieur le Premier ministre : puisque vous prenez l’engagement – et avec vous j’imagine l’ensemble de l’exécutif, y compris le Président de la République – qu’en 2015, nous serons à 3 % de déficit, est-ce que vous et le Président de la République prenez l’engagement, si cet objectif n’est pas atteint, de renoncer à vos fonctions l’un et l’autre ?

Le Président de la République a fait une observation de bon sens sur le chômage. Est-ce qu’il nous dirait aujourd’hui, ou vous ici au nom de l’exécutif, que si cet objectif de 3 % n’était pas respecté, alors vous prendriez votre responsabilité devant les Français, ce qui amènerait le Président de la République à ne pas se présenter de nouveau ?

La réalité, ce sont les impôts annoncés dans votre plan, les impôts nouveaux, avec en particulier la taxe carbone et la fiscalité écologique. Voulant accumuler les bonnes nouvelles, vous avez annoncé une baisse d’un point des prélèvements obligatoires. Dans un moment d’honnêteté arithmétique, le ministre, lui, n’annonce que 0,6 point. C’est bien qu’il y a aujourd’hui dans les tuyaux 0,5 point de PIB d’impôts supplémentaire.

Les réformes structurelles sur lesquelles vous voudriez nous impressionner ou impressionner Bruxelles…

Monsieur le Premier ministre, dans le domaine de l’énergie, pensez-vous réellement que la loi de transition énergétique qui sera en réalité une charge supplémentaire pour le contribuable, qui sera en réalité une charge supplémentaire pour l’économie, qui sera un handicap supplémentaire pour la compétitivité de nos entreprises, puisse s’inscrire dans votre programme de réformes ?

Lorsque vous parlez – c’est un sujet que nous sommes quelques-uns à suivre – de libéralisation dans le domaine des transports, regardez le rapport qui a été remis la semaine dernière concernant les taxis et les VTC ! Il ne comporte aucune précision quant à l’ouverture du marché !

Et que dire de la réforme ferroviaire dont vous parlez dans le programme national de réformes et qui, en réalité, bloquera toute possibilité de concurrence ? Là encore, il n’y a rien de précis en ce qui concerne le marché du travail !

S’agissant du logement, comme le disait Jean-François Copé, la situation s’est considérablement aggravée.

Bref, monsieur le Premier ministre, votre projet ne propose ni effort suffisant de maîtrise des finances publiques, ni effort de modernisation à la hauteur de ce que notre pays exige. Heureusement, nous pouvons proposer une meilleure voie et nous sommes à votre disposition pour vous en convaincre.

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