Pour des initiatives courageuses en faveur de l’emploi

1. Flexibiliser et simplifier le droit du travail avec un nouveau Code du travail synthétique qui comprendrait uniquement des principes de base et doubler les seuils sociaux.

2. Renvoyer la détermination des modalités d’organisation du travail (durée du travail, salaire minimum, durée du contrat de travail, comité d’entreprise, temps partiel,…) au niveau de chaque entreprise et confier aux branches professionnelles la détermination d’accords par défaut.

3. Transformer le SMIC (salaire minimum interprofessionnel pour la croissance) en SME (salaire minimum pour l’emploi) avec des négociations par branche d’activité en tenant compte des spécificités des métiers.

4. Déléguer le service public de placement des chômeurs à des opérateurs privés ou à des organismes sans but lucratif évalués régulièrement.

5. Elargir le financement de l’assurance-chômage à l’ensemble des salariés (y compris du public) afin de baisser le taux de cotisation et moduler les prestations (montant, durée) en fonction de la conjoncture.

6. En plus du régime de base universel, mettre en place un régime complémentaire en laissant le choix aux salariés de s’assurer en fonction de leurs besoins et situations professionnelles.

La politique de l’emploi représente environ 4% du PIB par an (dont 2,2 milliards d’euros du coût des seuls contrats aidés en 2013, selon le Ministère du Travail) et pèse donc de façon significative sur les finances publiques. Pour quel résultat ? Au troisième trimestre 2013, selon l’INSEE, le taux de chômage était de 10,5% de la population active, et de 10,9% au sens du Bureau International du Travail, en hausse de 0,6% sur un an. Le record de janvier 1997 (3,2 millions de chômeurs) a déjà été dépassé en novembre 2013 : 3,3 millions de personnes sont sans emploi.

Les politiques de l’emploi en France ont échoué car elles se sont majoritairement concentrées sur le traitement social du chômage sans s’attaquer à ses causes structurelles : le surcoût du travail et la rigidité du marché du travail. Ces échecs permanents sont liés au caractère catégoriel des mesures (souvent orientées vers les jeunes et les seniors) avec des effets pervers et des incitations fiscales qui poussent aux détournements.

Déjà, avant la crise, la France se caractérisait par un taux de chômage systématiquement plus élevé que la moyenne de l’OCDE. Ainsi, sur la période 1998-2008, le taux de chômage moyen en France était de 8,9% contre 6,5% pour la moyenne de l’OCDE. Depuis 25 ans, le chômage n’est redescendu qu’une seule fois sous le seuil de 8% et le nombre de chômeurs a toujours été supérieur de 2 millions de personnes. Enfin, le chômage des moins de 25 ans a oscillé entre 19% et 24% depuis 10 ans, soit plus du double de la moyenne nationale et il est aujourd’hui deux fois plus important qu’en Allemagne. Par ailleurs, 20% des jeunes de moins de 25 ans vivent en-dessous du seuil de pauvreté.

Pour être efficaces, les mesures doivent être générales et laisser le plus de flexibilité possible aux entreprises.

1. Adopter un nouveau Code du Travail

Les comparaisons internationales montrent que la France souffre d’un degré de rigidités et de blocages sensiblement supérieurs aux autres pays.

Parmi les causes principales du chômage français figurent les restrictions sur les salaires, le poids des charges sociales, les contraintes réglementaires sur le contrat de travail. Le Code du Travail avec ses 1 550 pages est devenu extrêmement complexe et incompréhensible, en particulier pour les petites entreprises.

Il nous faut un nouveau Code du Travail court et synthétique, comportant uniquement les principes de base du droit de travail.

L’Etat doit ainsi laisser chaque entreprises fixer les modalités précises d’organisation du travail (durée du travail, salaire minimum, durée du contrat de travail, comité d’entreprise, temps partiel,…), à travers un accord entre le chef d’entreprise et des syndicats représentants une majorité de salariés. Les branches professionnelles, quant à elles, doivent se voir confier la détermination de grands principes encadrant ces accords d’entreprises ainsi que la définition d’accords par défaut. En l’absence d’accord d’entreprise, c’est l’accord de branche qui s’appliquerait.

Il est également nécessaire d’assouplir la possibilité d’ajuster les effectifs afin de permettre aux entreprises d’embaucher plus facilement. D’après les résultats obtenus au Danemark qui a procédé à la suppression des obstacles au licenciement en 1993, ce seraient environ 12% de salariés que les entreprises embaucheraient en plus si les entraves à la possibilité de licencier étaient assouplies, soit 2 millions d’emplois supplémentaires en France, selon la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (IFRAP).

Avec tous les obstacles mis par le Code du Travail actuel aux possibilités de licencier, les entreprises se gardent d’embaucher au maximum de leur capacité de travail et conservent une réserve d’emplois non pourvus leur servant de « volant de sécurité » pour faire face à des renversements de conjoncture. Or, la France ne peut se permettre ni de garder de telles réserves d’emplois, ni de protéger de facto les insiders qui ont déjà un emploi, au détriment de ceux qui sont exclus du marché du travail.

Enfin, les seuils sociaux qui représentent un réel frein à la croissance des effectifs doivent être doublés afin de provoquer un réel choc de confiance et de simplification pour les TPE et les PME.

2. Transformer le SMIC en Salaire Minimum pour l’Emploi

La rigidité du SMIC (Salaire Minimum Interprofessionnel pour la Croissance) dans son principe actuel constitue l’une des principales causes du chômage en France. L’uniformité d’un SMIC national relativement élevé par rapport au salaire moyen s’avère très défavorable pour l’emploi des jeunes, pour les petites entreprises, et particulièrement dans certains secteurs, comme le bâtiment ou la restauration.

Le salaire minimum français a la particularité d’être le plus exigeant et le plus rigide de tous les pays. En Europe, sept pays ne connaissent pas de salaire minimum : l’Italie, le Danemark, la Finlande, la Suède, l’Autriche et Chypre.

En France, le SMIC représente environ 53% du salaire moyen (et 63% du salaire médian en 2010), par rapport à 46% de la moyenne du 15 de l’UE, 42% au Royaume-Uni, 32% aux Etats-Unis et 31% au Japon.

La France est aussi le seul pays où le SMIC est à la fois fixé par la seule intervention du législateur, sans négociation entre partenaires sociaux, totalement rigide et s’appliquant de façon uniforme à tous les salariés sans distinction d’âge, d’activité ni de région, et révisable de façon automatique.

Dans les grandes entreprises (plus de 500 salariés), 3,4% seulement des effectifs sont concernés par le SMIC, alors que ce pourcentage atteint en moyenne 24,3% dans les entreprises comptant entre 1 et 9 salariés et environ 10% dans celles avec les effectifs entre 10 et 100 salariés. Si un SMIC relativement élevé est moins nocif pour les grandes entreprises, il a un impact fortement négatif sur l’emploi non qualifié pour les TPE et PME dans de nombreux secteurs d’activité.

Il faut transformer le SMIC en SME (Salaire Minimum pour l’Emploi), en prévoyant des discussions au niveau des branches d’activité pour la définition de salaires minimums négociés par branche. Une telle “décentralisation” du SMIC serait de nature à tenir compte des spécificités de chaque métier.

3. Réformer le Pôle Emploi en déléguant le service public de placement

Si le service public de l’emploi en France dispose d’une véritable expertise en matière d’indemnisation, d’accueil et d’orientation des demandeurs d’emploi, il échoue dans l’accompagnement personnalisé et donc le placement effectif. Ainsi, nous avons environ 160 demandeurs d’emploi par conseiller en moyenne, loin des 60 théoriques, vs 30 demandeurs d’emploi par conseiller en moyenne au Royaume-Uni, avec par conséquent une faible qualité d’accompagnement des chômeurs. Selon un rapport de l’Inspection Générale des Finances, seulement 33 % des effectifs du Pôle Emploi se consacrent à l’accompagnement et au placement des demandeurs d’emploi, contre plus de 50 % au Royaume-Uni. Enfin, selon une estimation de l’IFRAP, placer un chômeur reviendrait 1000 € plus cher par Pôle Emploi que par un opérateur privé de placement, lorsqu’ils sont comparés sur un service équivalent.

Les exemples étrangers montrent qu’il est possible de faire mieux. L’Australie, par exemple, recourt intégralement aux opérateurs privés de placement, qui sont majoritairement sans but lucratif. Régionalisés, spécialisés et focalisés sur l’accompagnement personnalisé des demandeurs d’emploi, ils sont régulièrement évalués par le ministère de l’Emploi, qui tient compte de leur performance dans la rémunération qu’il leur verse.

En France, à l’inverse, le recours aux opérateurs privés de placement reste très timide et leur évaluation est quasi-inexistante. Or, certaines initiatives en France, comme celle de la Fondation du sport, Sport emploi ont déjà montré que le secteur associatif sans but lucratif est capable de remplir des missions d’accompagnement et de placement des chômeurs aussi bien, voire mieux, que l’établissement public.

Il faut donc organiser une coopération constructive avec le secteur privé en alliant délégation de service public, spécialisation et régionalisation. Un large recours aux opérateurs privés fondé sur les principes de la transparence et de l’évaluation permettra de maximiser le rapport qualité / prix pour le placement des chômeurs : les coûts seront moindres, les opérateurs privés seront plus souples et seront surtout en mesure de se spécialiser pus facilement et de s’adapter plus rapidement à la conjoncture.

4. Réformer en profondeur l’assurance chômage

Le surcoût du travail en France représente l’une des principales causes du chômage. A titre d’exemple, pour un salaire net de 100 euros, l’entreprise française verse les charges de 83 euros, alors qu’en Allemagne par exemple, les charges sociales totales pour le même salaire s’élèvent à 47 euros : les prélèvements sur salaires en France sont de 77% supérieurs. Ainsi, avec les mêmes prélèvements sur salaires qu’en Allemagne, il serait possible d’augmenter les salaires en France de 6% (redistribution d’un pouvoir d’achat important aux salariés) tout en baissant le coût du travail de près de 15% (amélioration significative de la compétitivité des entreprises) !

L’assurance chômage est l’un des éléments constitutifs des charges sociales. En moyenne, son coût s’élève à un mois de salaire par an. Pour baisser le coût de l’assurance chômage et offrir plus de souplesse aux salariés en fonction de leur situation professionnelle, il faut réformer profondément le système actuel  de monopole de l’UNEDIC.

L’universalité du régime de base doit être renforcée en étendant l’assiette des cotisations à l’ensemble des salariés, même ceux du secteur public afin qu’ils contribuent à l’indemnisation des salariés du privé qui n’ont pas la garantie de l’emploi. Une telle réforme serait de nature à baisser sensiblement le taux de cotisation de l’assurance-chômage.

Par ailleurs, les modalités d’indemnisation des chômeurs (montant, durée, dégressivité) devraient être moduler automatiquement en fonction de la conjoncture. En effet, s’il est légitime de conserver un système généreux en période de crise, les périodes de bonne conjoncture économique doivent être l’occasion de réaliser des excédents significatifs et d’inciter davantage les chômeurs au retour à l’emploi.

Il est également pertinent de compléter le régime de base universel, par la mise en place d’un système d’assurance privée, complémentaire et facultatif, en permettant aux salariés de choisir eux-mêmes un organisme.

Des assurances complémentaires offertes par les assureurs spécialisés privés mis en concurrence auront de nombreux avantages :

– Les assureurs auront le souci de prévention en favorisant la formation permanente, en facilitant les reconversions et en aidant à la mobilité géographique.

– Ils mèneront les contrôles sérieusement pour vérifier que les assurés agiront réellement pour trouver un emploi.

– Cela offrira un véritable choix responsabilisant aux individus : les salariés pourront choisir eux-mêmes leur régime complémentaire d’assurance, ainsi que les garanties et obligations s’y rattachant, par exemple les durées d’indemnisations variables en fonction de leur situation personnelle. En contrepartie, la prime serait modulée en fonction des garanties souscrites, notamment en termes de formation. Chacun pourrait choisir entre davantage de pouvoir d’achat tout de suite, ou plus de sécurité du revenu en cas de coup dur.

– La mise en compétition des assureurs permettrait aux syndicats de négocier pour leurs adhérents des contrats avec des partenaires performants pour retrouver un emploi.

– Certaines entreprises pourraient choisir de prendre en charge l’assurance chômage complémentaire de leurs salariés. Les entreprises les moins enclines à licencier pendant les périodes difficiles pourraient alors négocier des primes plus basses que les autres.

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