Pour une politique de l’offre en matière de logement

1.  Confier la compétence logement aux intercommunalités (EPCI) et fixer des objectifs de construction pour les zones tendues (Ile-de-France, PACA,…)

2.  Simplifier les procédures relatives aux plans locaux d’urbanisme (PLU) et flexibiliser les règles d’utilisation du foncier

3.  Purger les recours en amont, au moment du dépôt du certificat d’urbanisme et sanctionner davantage les recours abusifs

4.  Libérer du foncier public pour construire davantage de logements (en sanctionnant les opérateurs qui ne respectent pas les objectifs)

5.  Réduire fortement les aides à la pierre et recentrer le PEL sur l’acquisition d’un logement

6.  Faciliter les transactions en baissant les droits de mutation à titre onéreux (en compensant par une hausse de la taxe foncière)

Les chiffres du logement donnent le vertige et illustrent l’échec des politiques publiques menées ces dernières années. Bien que la France soit championne d’Europe des dépenses publiques dans ce domaine avec un budget total de 45 milliards d’euros, soit 2,25% du PIB, le logement demeure un sujet anxiogène pour les Français (82% considèrent qu’il est difficile de trouver un logement) et le premier poste de dépense des ménages (22% en moyenne et jusqu’à 45% pour le dernier quintile de la population en termes de revenus) du fait de la hausse continuelle des prix qui croissent 3 à 4 fois plus vite que l’inflation.

Cette hausse des prix touche en premier lieu les populations fragiles (jeunes et catégories populaires) qui voient leur taux d’effort augmenter dans des proportions considérables si elles ont la chance de trouver un logement (3,6 millions de personnes mal logées et près de 800 000 aux portes du logement, selon un rapport de la Fondation Abbé Pierre). Ce problème rattrape également les classes moyennes qui tendent à s’éloigner de leurs lieux de travail afin d’accéder à un logement abordable, engendrant des externalités négatives (besoins en transport et étalement urbain) pour l’ensemble de la collectivité.

Enfin cette hausse des prix constitue un frein à la croissance de l’économie française. La pierre est ainsi devenue la valeur refuge par excellence qui draine une partie des économies des français souhaitant investir leur épargne, au détriment des entreprises. Les niveaux actuels élevés des prix de l’immobilier engendrent par ailleurs une perte de compétitivité de l’économie française en se répercutant dans les salaires ou dans l’immobilier de l’entreprise.

Devant l’ampleur des problèmes, la tentation est forte de réclamer toujours plus d’interventions de l’Etat pour pallier les déficiences du marché, alors même que ces dernières sont le plus souvent mal ajustées et au final contre-productives. Il est temps de mettre fin à notre gout immodéré pour les aides publiques et le concours Lépine des nouvelles lois et règlements qui viennent corseter un peu plus un système à bout de souffle.

Le constat est simple : la hausse des prix dans les zones tendues (Île-de-France, région PACA, grandes agglomérations) vient avant tout d’un déséquilibre entre l’offre et la demande. Il n’y a certes pas de pénurie à proprement parler au niveau national (la France compte 512 logements pour 1000 habitants, ce qui la place au dessus de l’Allemagne et de la plupart des pays européens) mais un manque dans les régions les plus densément peuplées pour permettre une baisse durable des prix de l’immobilier. La mobilisation du foncier nécessaire pour la construction de nouveaux logements est en effet très difficile du fait de normes d’urbanisme malthusiennes et de nombreux freins réglementaires et institutionnels. Pour résoudre la crise du logement, il faut donc privilégier une politique de l’offre permettant de libérer le secteur de la construction et de rééquilibrer les termes du marché dans ces zones tendues. Le mot d’ordre doit être de simplifier le parcours d’embûches actuel pour construire des logements. Cette politique doit par ailleurs éviter à tout prix l’écueil de la boîte à outil fiscal utilisée systématiquement par la gauche comme le remède miracle à toutes les difficultés rencontrées.

Si l’Etat doit accepter de ne plus jouer le rôle de deus ex machina sauveur en temps de crise à grands coups de nouvelles aides ou dispositifs, son rôle est toutefois fondamental car il doit pouvoir créer les conditions favorables permettant de libérer l’offre tout en assurant un rôle de garde-fou minimal visant à préserver certains territoires à enjeux environnementaux ou agricoles importants et éviter l’installation de populations dans des zones à risques.

Pour sortir de la crise, la politique du logement doit donc adresser trois volets :

Un volet institutionnel visant à rendre plus lisible et efficace l’organisation administrative actuelle. La politique du logement doit ainsi être confiée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui constituent l’échelon pertinent pour cette politique et seraient en charge de l’ensemble des documents de planification locaux (PLU, PLH, SCOT) et des permis. Tout comme pour les transports, la problématique du logement sort des limites communales et nécessite donc une vue plus large à l’échelle du bassin de vie pour la gérer. Cette mesure permettrait d’éviter la fragmentation des décisions au niveau des communes sur le foncier et l’habitat, de diminuer fortement les coûts de gestion administrative, d’optimiser les programmes d’aménagements sur le territoire, et de réduire le risque de manque de volonté politique par rapport aux constructions de nouveaux logements. Dans les zones les plus tendues (Île-de-France en particulier), les objectifs de logement fixés territorialement pourraient par ailleurs faire l’objet d’une contractualisation avec un système de bonus/malus sur la dotation globale forfaitaire afin d’inciter plus fortement les élus locaux à les respecter. Cette contractualisation pourrait intégrer les objectifs de la loi SRU qui seraient fixés au cas par cas selon les zones géographiques afin d’assouplir cette loi beaucoup trop rigide.

Un volet réglementaire visant à simplifier et moderniser le droit de l’urbanisme. Une révision du code de l’urbanisme s’impose afin d’alléger les procédures administratives qui sont autant d’obstacles pour la construction de nouveaux logements. Il faut flexibiliser les règles d’utilisation du foncier en permettant des révisions ponctuelles simplifiées des plans locaux d’urbanisme (PLU) sans enquête publique et en rendant tout terrain non concerné par des règles particulières (identité architecturale ou zone protégée) administrativement constructible, même si la constructibilité technique ne peut être acquise qu’en cas de raccordement aux réseaux essentiels, sans que la commune soit obligée d’y pourvoir (à la charge du promoteur dans ces cas avec rétrocession ultérieure). Outre le toilettage des normes de construction qui partent souvent de bonnes intentions mais pèsent lourdement sur les coûts, il faut également mettre fin au parcours du combattant pour les promoteurs. Au lieu de privilégier le risque zéro en faisant passer les projets sous les fourches caudines de multiples services de l’Etat dans un processus long, dispendieux et décourageant, mieux vaudrait responsabiliser les acteurs en leur donnant plus de liberté quitte à les sanctionner par des amendes élevées en cas de manquements ultérieurs avérés. Dans le même ordre d’idée, il faudrait changer la réglementation pour que la purge des recours sur les projets puisse se faire en amont au moment de la dépose du certificat d’urbanisme afin de limiter les effets pervers des recours abusifs qui doivent être également plus fortement sanctionnés. Enfin, la libération du foncier public et du parc immobilier de l’Etat ne pourra fonctionner qu’à condition de fixer des objectifs clairs aux administrations et opérateurs publics (SNCF, RATP…) avec des sanctions en cas de non-respect afin de donner une réalité à ce serpent de mer des politiques publiques qui n’a jamais porté ses fruits malgré la nécessité de s’y attaquer.

Un volet fiscal pour désintoxiquer un secteur dopé aux interventions publiques depuis plusieurs décennies. Il ne s’agit pas d’organiser un grand soir fiscal du logement, mais simplement de rationaliser les multiples dispositifs actuels. L’application de ce dernier volet devra toutefois intervenir une fois que les deux premiers auront produit leurs effets afin de ne pas gripper un domaine fragile sous perfusion de l’argent public et risquer ainsi de bloquer les constructions de logements. Une fois la libération de l’offre effective, il faudra diminuer drastiquement les aides à la pierre qui représentent 8,9 milliards d’euros et limiter les incitations fiscales à la propriété (PTZ) qui doivent pouvoir être mieux ciblées. S’il est sain d’encourager les personnes ayant constitué une petite épargne à devenir propriétaire, il faut éviter les effets d’aubaine ou les risques de bulle liés à une trop grande extensivité de ces dispositifs. Les PEL qui rencontrent aujourd’hui peu de succès et ne remplissent pas leur objectif (seuls 5% donnent lieu à un prêt immobilier) pourraient être mieux circonscrits (meilleur ciblage de la prime, hausse du plafond) afin de rendre ce produit plus efficace tout en générant des économies et en réorientant une partie de l’épargne vers les entreprises. Enfin la fiscalité doit être revue dans l’objectif de faciliter les transactions et fluidifier le marché. Outre la suppression des abattements pour durée de détention sur les plus-values immobilières hors résidences principales, la part hors frais de notaire des droits de mutation à titre onéreux pourrait être diminuée et compensée par une refonte de la taxe foncière assise sur la valeur vénale nette des propriétés. L’accroissement de la mobilité résidentielle pour optimiser le parc de logement pourrait aussi passer par la création d’un bail-mobilité permettant à un salarié devant quitter son logement pour des raisons professionnelles de le récupérer avant la fin du bail avec un préavis de 6 mois et de n’être fiscalisé que sur le loyer net perçu.

Seule l’application de ces trois volets par les pouvoirs publics peut contribuer à relancer la construction de nouveaux logements dans les zones où le marché est le plus tendu actuellement et permettre ainsi d’enrayer la hausse des prix de l’immobilier. La résolution de la crise du logement passe ainsi par une politique de l’offre affirmée et volontaire qui permette de libérer ce secteur de l’étau administratif et réglementaire qui l’étouffe. Les politiques publiques ne pourront toutefois s’exonérer de traiter également le sujet du logement social et du rééquilibrage de la relation locataire/propriétaire pour améliorer la situation actuelle.

Comment(1)

  1. marchand says

    Ne pas oublier l’offre de logements locatifs, très insuffisante dans les grandes villes

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