Pour une politique française de l’énergie compétitive

1.  Concentrer les dispositifs publics en faveur de l’efficacité énergétique sur l’isolation des bâtiments et impliquer davantage le secteur bancaire à travers une meilleure certification des travaux d’économies d’énergie.

2.  Favoriser la chaleur renouvelable et de récupération (à travers le renforcement du fonds chaleur) et mettre progressivement fins aux tarifs d’achats privilégiés pour l’électricité renouvelable.

3.  Prolonger la vie des centrales nucléaires existantes et entamer la construction de nouveaux réacteurs EPR pour répondre aux nouveaux besoins (en particulier le développement du véhicule électrique).

4.  Structurer une filière française en vue de l’exploitation future de gaz de schistes tout en réduisant notre consommation intérieure de gaz.

5.  Rationnaliser la fiscalité sur l’énergie à travers une double assiette énergie/carbone et en assurant progressivement la neutralité entre les différentes sources de chauffage et entre les différentes sources de carburants.

6.  Remplacer les tarifs sociaux du gaz et de l’énergie par un chèque énergie distribués aux ménages en situation de précarité énergétique, dont la valeur serait bonifiée en cas de réalisation de travaux d’efficacité énergétique.

En matière de politique énergétique, la France ne part pas de rien : elle a su, au cours des décennies passées, construire un système énergétique national extrêmement compétitif ainsi que des champions industriels nationaux dans les domaines de l’électricité, du gaz et du pétrole (EDF, GDF Suez, Total).

Loin des excès du dernier débat national sur la transition énergétique, il n’est donc pas question de revoir de fond en comble cette politique énergétique nationale mais plutôt de l’approfondir en l’orientant résolument vers la compétitivité de notre économie et le respect de l’environnement.

La réduction de la consommation d’énergies carbonées permet de répondre assez bien aux trois défis que doit relever la politique énergétique française. Elle permet en effet :

– De réduire notre dépendance à l’importation d’hydrocarbures importés, ce qui est favorable pour notre balance commerciale et notre sécurité d’approvisionnement

–  De ne pas être dépendant de l’augmentation probable à long terme de ces énergies de stock (même si le développement des hydrocarbures non conventionnels doit nous inciter à la prudence en la matière)

–  De réduire nos émissions de gaz à effet de serre afin de lutter contre le réchauffement climatique. Cette politique doit permettre un entraînement des autres pays émergents et industrialisés sans quoi elle serait vaine, le réchauffement climatique étant un problème environnemental global

Il est aussi important de noter que le système énergétique dans son ensemble va se retrouver dans les années à venir face à un mur d’investissement, qu’il s’agisse des travaux d’efficacité énergétique, du développement d’énergies décarbonées, des transports collectifs, du véhicule électrique ou encore de la maintenance pour prolonger la vie des réacteurs nucléaires. Il ne sera pas possible de tout financer, ce qui implique de faire des choix : l’efficacité énergétique et le recours aux énergies décarbonées en substitution des énergies fossiles doivent constituer des priorités, bien avant la volonté de diversifier le mix électrique français.

Il est également important d’assurer la cohérence et la lisibilité des mécanismes de soutien publics en matière énergétique. Aujourd’hui chaque filière dispose de son propre mécanisme de soutien dont l’efficacité peut énormément varier si on le rapporte à l’énergie produite, aux emplois créés, à la tonne de carbone évitée ou encore au rendement exergétique (l’exergie étant l’énergie utile). Ceux-ci doivent être concentrés en priorité là où ils permettent des réductions significatives de la consommation d’énergies carbonées, c’est-à-dire dans les domaines de l’efficacité énergétique, de la chaleur renouvelable et de la mobilité électrique.

En matière d’efficacité énergétique, il s’agit de concentrer les moyens publics sur l’isolation des bâtiments. En effet, ces travaux présentent très souvent des temps très longs de retour sur investissement, contrairement au remplacement de systèmes de chauffage. C’est donc sur ce type de travaux que se justifie un soutien public, pour lesquels les outils du type éco-prêt à taux zéro et crédit d’impôt développement durable ont montré leurs limites. Le système des Certificats d’Economies d’Energies (CEE), qui permet une plus grande implication et inventivité des acteurs privés, doit être focalisé sur les travaux d’isolation des bâtiments. Charge à ces acteurs privés de trouver les bons leviers pour déclencher ces opérations : conseils, prêt bonifié, tiers financement de projets,… Cela suppose en parallèle l’émergence d’un système de certification des travaux d’efficacité énergétique à même de rassurer et d’impliquer massivement le secteur bancaire.

Alors que beaucoup de débats sur la décarbonation de notre mix énergétique se concentrent sur l’électricité, la réalité est tout autre : c’est avant tout le chauffage et la mobilité qui sont les principaux secteurs où nous consommons des hydrocarbures. Le renforcement du fonds chaleur (créé suite au Grenelle de l’Environnement) afin de développer des réseaux de chaleur alimentés par des énergies renouvelables et de récupération est, en particulier, un moyen très efficace de réduire nos émissions de CO2. Le développement du véhicule électrique, qui suppose le déploiement massif d’infrastructures de recharge, en est un autre.

En revanche, il est temps de mettre progressivement fin aux tarifs d’obligation d’achat pour l’éolien et le solaire photovoltaïque. Ces énergies renouvelables cumulent en effet beaucoup de handicaps qui rendent prématurés leur déploiement pour le moment : ce sont des sources intermittentes qui nécessitent un développement très conséquent du réseau électrique et à des moyens de production complémentaires très flexibles (hydraulique, gaz, fioul), elles sont aujourd’hui très coûteuses (en particulier le solaire photovoltaïque et l’éolien offshore), produisent peu d’énergie (qui vient le plus souvent en substitution d’électricité qui est déjà décarbonée) et se traduisent par des importations conséquentes qui viennent dégrader la balance commerciale de la France.

L’éolien terrestre, qui est relativement compétitif, pourrait continuer de bénéficier d’une obligation d’achat par EDF mais au prix de marché. En ce qui concerne l’éolien offshore, il faut mener à bien les projets déjà actés dans les premiers appels d’offres lancés ces dernières années pour en tirer un retour d’expérience avant de lancer de nouveaux projets. Pour le solaire photovoltaïque, qui sera certainement une source importante d’énergie dans plusieurs décennies, il faut avant tout encourager la recherche pour faire baisser les coûts, tout en utilisant les technologies actuelles sur les bâtiments neufs. Des appels d’offre à coûts maîtrisés pourraient également être envisagés pour faire naître des projets industriels au niveau européen.

En matière d’électricité, la France doit affirmer sa politique nucléaire qui lui a permis jusqu’ici de produire de l’électricité à un coût très compétitif et sans émissions de CO2. Il n’y a, en effet, aucune raison d’avoir le nucléaire honteux ! Cela passe par la prolongation de la durée de vie des centrales existantes, dès lors que l’ASN en autorise l’exploitation. Il est en effet indispensable, pour limiter des investissements colossaux dans le système électrique, d’utiliser au mieux ces actifs aujourd’hui largement amortis. Seule une raison de sûreté doit pouvoir justifier la fermeture d’un réacteur, l’expérience américaine (prolongation à 60 ans de la vie des réacteurs) et la maintenance lourde qui a été effectué sur le parc français depuis des années justifient une prolongation au-delà de 40 ans.

La construction de nouveaux réacteurs EPR en France doit également être envisagée, une fois analysé le retour d’expérience de la tête de série de Flamanville. La construction de Flamanville, plus longue et plus coûteuse que prévu, permet toutefois d’engranger un retour d’expérience précieux qu’il serait préjudiciable de ne pas valoriser en poursuivant le développement de cette filière de réacteurs en France et à l’international. Ces nouveaux réacteurs ont vocation à couvrir les nouveaux besoins électriques (véhicules électriques notamment) puis à se préparer à la fermeture pour des raisons de sûreté de réacteurs existants. L’important est d’étaler dans le temps ces constructions pour maintenir les savoirs et les compétences industriels et éviter ainsi le stop-and-go qu’a connu la France par le passé en ce qui concerne la construction de réacteurs nucléaires.

En ce qui concerne les gaz de schiste, il est important de structurer une filière française en vue d’une exploitation prochaine. Exploiter aujourd’hui les gaz et huiles de schistes du sous-sol français n’offrirait pas toutes les garanties environnementales et nécessiterait de faire appel à des entreprises et des compétences étrangères (américaines pour la plupart) qui capteraient ainsi une bonne part de la valeur ajoutée, même si des emplois pourraient être créés en France à court terme. Il est en revanche nécessaire de donner dès maintenant un signal d’une exploitation future afin de permettre le lancement de l’exploration, l’amélioration des techniques industrielles et le développement des compétences nécessaire à l’ensemble de la chaîne de valeur afin de créer de la valeur ajoutée et des emplois en France. Cette production d’énergie carbonée doit permettre une réduction des importations française mais en aucun cas une augmentation des consommations globales de gaz, ce qui viendrait en contradiction avec les objectifs nationaux de réduction des gaz à effet de serre.

Il est enfin nécessaire de simplifier et de rationaliser notre système de tarification et de taxation de l’énergie. La fiscalité sur l’énergie doit ainsi être refondue avec une double assiette énergie/carbone, afin d’assurer la neutralité entre toutes les sources de chauffage d’une part et toutes les sources de carburants d’autre part.

Il s’agit également de décourager la consommation électrique de pointe qui nécessite un développement trop conséquent du réseau électrique et favorise le recours aux énergies carbonées. Cela passe par une gestion plus fine des prix de l’électricité en fonction des moments de la journée (en s’inspirant du système heures pleines/heures creuses) qu’empêche aujourd’hui les tarifs régulés. Une dérégulation de ces tarifs pour les particuliers doit à ce titre être engagée, ne serait-ce que pour se conformer aux règles européennes. Une attention particulière doit également être portée à la recharge des véhicules électriques pour privilégier les recharges lentes en heures creuses au domicile ou au travail.

Enfin, les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité doivent être remplacés par un chèque énergie distribué aux ménages en situation de précarité énergétique. Aujourd’hui les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité sont financés par l’ensemble des consommateurs et constituent des entorses à la concurrence vis-à-vis d’autres sources d’énergie comme le chauffage urbain ou le fioul. Il s’agit donc d’un moyen inefficace de répondre à la problématique réelle de la précarité énergétique qui touche de plus en plus de foyers. Ce chèque énergie pourrait être dépensé pour payer des factures énergétiques ou bien des travaux d’efficacité énergétique (avec une bonification à la clé dans ce cas afin d’inciter à des réductions pérennes des factures).

Plutôt que de chercher une quelconque transition ou virage énergétique, la France doit consolider les forces de son système énergétique hérité des dernières décennies en s’appuyant résolument sur l’efficacité énergétique, la chaleur renouvelable, la mobilité électrique et le nucléaire. Elle doit également revoir son système de tarification et de fiscalité de l’énergie afin d’envoyer les bons signaux aux acteurs privés.

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