Quelle politique sociale du logement ?

1.  Proposer systématiquement la vente au locataire à la fin du bail pour les logements sociaux amortis.

2.  Revoir les conditions d’accès aux logements sociaux et faire évoluer progressivement le loyer avec le revenu afin de combler l’écart entre parc social et parc privé

3.  Confier, de manière transparente, l’attribution des logements sociaux à une commission avec des représentants du bailleur, de l’intercommunalité et de l’Etat

4.  Créer une bourse d’échange des logements sociaux sur Internet, pour favoriser la mobilité

5.  Assouplir la loi SRU en confiant aux Régions la fixation du taux de logements sociaux en fonction des spécificités des territoires

Symbole de l’interventionnisme d’Etat pour corriger les excès du marché et favoriser le vivre-ensemble, le logement social est souvent considéré à tort comme le remède miracle au problème du logement en France. Récemment encore, le gouvernement en fait la pierre angulaire de sa politique en augmentant le quota de logements sociaux de la loi SRU à 25% et en affichant un objectif annuel de 150 000 nouveaux logements sociaux financés en partie par l’augmentation du plafond du livret A.

Il est certes indéniable que le marché n’est pas suffisant à court-terme pour assurer un logement décent pour tous, rendant ainsi nécessaire le maintien de logements sociaux pour les personnes les plus défavorisées. Ce constat ne saurait toutefois masquer les difficultés d’un système complexe et opaque qui doit être réformé en profondeur pour être plus juste et efficace.

Victime de son succès avec des critères d’entrée bien peu restrictifs, le parc HLM ne sait plus faire face à une demande en constante augmentation, renforcée récemment par la mise en oeuvre de la loi DALO (Droit Au Logement Opposable) qui a accru la pression sur ce secteur. Au vu du plafond de ressources, près de 2 ménages sur 3 sont ainsi éligibles, ce qui génère un déséquilibre flagrant entre l’offre et la demande. 1,2 millions de ménages sont aujourd’hui en attente d’un logement et éprouvent frustration et ressentiment pour un système vécu comme injuste et suscitant des soupçons de passe-droit. Une fois obtenu, le logement social est souvent considéré comme un précieux sésame qu’il faut conserver, induisant un taux de rotation extrêmement faible (10% en 2011 contre 30% dans le privé) et générant des phénomènes de sous-peuplement ou de surpeuplement lorsque la taille des ménages évolue. La situation actuelle est par ailleurs source d’inégalités fortes entre locataires du parc privé et ceux du parc social, qui peuvent bénéficier d’une rente en cas d’augmentation substantielle de leurs revenus. Les loyers dans le parc locatif social sont en effet deux fois moins élevés en moyenne que dans le parc privé.

Tant que cette offre de logements sociaux demeurera importante avec des prix décorrélés de ceux du marché, la demande restera extrêmement forte, engendrant des files d’attente et une absence de parcours résidentiels ascendants vers le parc privé. Il est donc temps de mettre fin à cette fracture entre marché libre et logement social en appliquant les propositions suivantes :

Favoriser les parcours ascendants vers la propriété en généralisant les dispositifs de location-accession. Cette mesure consiste, pour les logements sociaux amortis, à proposer systématiquement la vente à la fin du bail par le biais de remises déterminées en fonction de la durée d’occupation par le locataire et de la dette des opérateurs concernés. Cette mesure, qui permettrait de diminuer le stock existant de logements sociaux, s’accompagnerait du regroupement progressif des 760 opérateurs HLM et de la privatisation de certains d’entre eux, avec une répartition des bénéfices à définir entre l’Etat et les collectivités, l’argent obtenu devant obligatoirement aller au désendettement de l’Etat ou à la réhabilitation du parc existant. Le regroupement serait également incité par la modulation des subventions de l’Etat ou l’introduction d’une taxe sur les loyers payés par les opérateurs, avec décote pour ceux qui prévoient un regroupement ou la construction de nouveaux logements, l’objectif étant de pénaliser les « dodus dormants ».

Revoir les conventions entre bailleurs et locataires avec des plafonds de ressources restreignant à 50% le nombre de ménages éligibles au logement social et l’introduction d’un loyer de référence basé sur la valeur du bien (indication au locataire du service offert par la collectivité) qui serait ensuite modulé à la baisse en fonction des revenus du ménage qui l’occupe. Ce loyer serait donc évolutif dans le temps pour prendre en compte les variations de revenu des ménages. Ce nouveau système permettrait d’inciter la mobilité et les passerelles entre logement social et parc privé en réduisant les écarts entre loyers. Afin de ne pas interférer avec les aides aux logements, ces dernières seraient fusionnées avec les autres aides sociales permettant ainsi de simplifier les dispositifs actuels, de générer des économies et de dissocier le transfert monétaire de l’objet du logement qui provoque aujourd’hui des effets inflationnistes contre-productifs.

Réformer la gestion et le système d’attribution des logements sociaux. Pour lutter contre les dérives clientélistes et le risque d’inefficacité, il faut mettre fin au système de réservations dédiées aux financeurs de logements sociaux (mairies, préfectures, entreprises…) et confier les prérogatives d’attribution à une commission composée de représentants du bailleur, de l’Etat et de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Les dossiers de candidature seraient par ailleurs hiérarchisés selon des barèmes objectifs et transparents. La politique du logement social doit ainsi être progressivement confiée aux EPCI, nécessitant un regroupement des bailleurs sociaux afin qu’ils puissent disposer d’un pouvoir d’action suffisant à cette échelle. Se pose enfin la question de la suppression d’Action logement qui permet aux syndicats et au patronat de gérer paritairement 4 milliards d’euros pour aider les salariés à se loger. Si le système s’est profondément réformé avec une réduction du nombre d’organismes, la suppression de ce dispositif permettrait d’alléger les charges sur les entreprises et de simplifier la politique actuelle de gestion du logement social.

Encourager la mobilité en créant une bourse d’échange des logements sociaux sur internet afin de favoriser les mouvements au sein du parc HLM et d’optimiser son utilisation. Ces changements de logement doivent pouvoir se faire sans coût de transfert administratif. Il est par exemple important de lutter contre la sous-occupation en permettant aux ménages de se maintenir dans le parc social avec un appartement de plus petite taille en cas de réduction du nombre de personnes.

Rationnaliser les constructions de logements sociaux. Il faut abandonner la croyance que l’intervention de l’Etat par l’augmentation du nombre de logements sociaux est la solution principale pour pallier le manque de logements dans les zones où le marché est tendu. C’est au contraire la libération du foncier qui doit être privilégiée afin de permettre la construction de nouveaux logements par le privé à des prix plus abordables. Le logement social doit intervenir uniquement en complément, être dirigé sur des classes de population plus restreintes, et avoir pour objectif de favoriser des parcours ascendants vers la propriété ou la location dans le parc privé. Enfin, la crise du logement ne touche pas le territoire de manière uniforme et il semble donc pertinent d’assouplir la loi SRU. Les Régions pourraient ainsi récupérer l’application de ce dispositif en définissant après concertation avec l’Etat et les EPCI le pourcentage de logements sociaux à construire sur un territoire donné de manière à mieux prendre en compte la diversité des situations.

Comments(6)

  1. Yves Egal says

    Sages propositions, mais on ne peut aborder la question du logement social sans celle de l’immigration, puisqu’aujourd’hui une immense proportion des mal logés sont des immigrés ou enfants d’immigrés.

  2. marchand says

    La meilleure politique sociale du logement est celle qui aboutira à une surabondance de la location privée. Le marché est là comme ailleurs le plus sur moyen de faire baisser les prix. La baisse des loyers diminura la pression sur la demande de logements sociaux et facilitera le départ de ceux qui n’ont plus leur place dans les logements sociaux, qu’il faut réserver aux plus défavorisés.
    Pour que la location privée se développe, il faut avoir le courage de dire que la protection du propriétaire doit être absolue. En cas de non paiement des loyers, de dégradations ou de comportements incorrects, il faut ête intraitable vis à vis de la toute petite minorité des locataires fautifs, qui bien souvent n’ont aucune raison de mal se comporter. Vis à vis de ces mauvais locataires, la règle doit être simple : ou bien ils relèvent de l’aide sociale qui doit les prendre en charge payer leur loyer ou les reloger précisément dans les logements sociaux, ou bien ils n’en relèvent pas et ils doivent être expulsés dans un délai très court, par exemple 3 mois (souvent le montant du dépôt de garantie), sans l’intervention d’une procèdure judiciaire interminable. Cette règle impose évidemment que les expulsés ne soient pas jettés à la rue. Un hébergement sommaire mais décent doit être mis à leur disposition à une distance raisonnable du domicile dont ils sont expulsés; ce qui suppose la contruction ou l’aménagement de ces logements d’urgence qui ne seront pas forcément nombreux, car les individus concernés ne sont pas non plus forcément nombreux. La société a tout à y gagner, car la construction de logements locatifs rentables ne devraient dépendre d’aucune subvention et donc ne rien coûter à la société.
    Il faut bien sur comme vous le proposez revoir la loi SRU : les logements sociaux n’ont aucune raison d’être construit là où le prix du foncier est le plus cher.

  3. HUBIN says

    les aléas de la vie m’ont fait récemment connaitre un pays densément peuplé ,la Belgique ,où il n’y a pas de crise du logement .
    si on veut acheter on trouve et pas cher (3000 € le m° à Bruxelles centre ou à Ixelles (équivalent du 7° à Paris; 2000 € le M° à 29 Kms de Bruxelles en Flandres dans du neuf centre ville )
    si on veut louer on trouve (en une matinée vous pouvez visiter sur un micro quartier 5 à 10 appartements corrects proposés à la location )
    et pas cher 10€ à 12 € le M° par mois demandé par le propriétaire . c’est pour un parisien miraculeux !
    MAIS ,il y a un MAIS si on ne paie pas son loyer on est” viré ” en trois quatre mois .
    et celui qui est propriétaire et qui loue à l’habitation ne paie pas d’impôts sur le revenu locatif ;
    de ce fait il n’y a pas eu de transformation massive des quartiers d’habitation en bureaux et chaque jour les particuliers investissent en immeubles neufs ou en en rénovation pour le bâtiment destiné à la location ;satisfaction pour le contribuable (il ne paie rien ) le locataire il paie peu et le propriétaire (il s’enrichit ,oh! le vilain !)

  4. Przetocki says

    Bien sur,libérer les carcans administratifs pour les logements du domaine privé, qui automatiquement favoriseront sur le long terme,la construction de logements et la baisse des loyers ,au plus juste,la concurrence et la liberté d’entreprendre et non des mesures coercives…caution….impossibilité de récupérer son bien etc…
    Le marché se régule de lui-même ,sans l’intervention constante de l’état, ….je suis bien placé ,car j’avais 10
    appartements en location, après des emprunts tres stressants à rembourser, car certains ne payaient ou ne voulaient plus régler leur loyer…j’ai réussi a tout vendre et croyez-moi…je respire…et n’insvestirai plus et ne conseillerais pas d’y investir.

  5. Rocquancourt says

    En tant que très modeste bailleur, j’approuve le commentaire de Marchand. Pour rendre la fluidité au marché il faut protéger le bailleur qui se trouve devant un locataire qui relève de l’aide au logement et qui cesse de payer son loyer. L’APL devrait prendre en charge son loyer en attendant de le reloger avec une tutelle sur la gestion de ses revenus jusqu’au retour à l’équilibre… L’expérience prouve que c’est le bailleur que ces mauvais payeurs songent à rembourser en dernier.

  6. Marchand says

    Il faut signaler les excellents articles du Point sur le logement. Retenir en particulier tous les obstacles absurdes à la construction de logement tombée au plus bas en 2014. Les contraintes disproportionnées en faveur des handicapés ou le respect aberrant des principes de précaution, la gestion malthusienne des terrains constructibles, l’effet ravageur de l’aide au logements etc.. M. Gallois avouant piteusement qu’il avait complètement oublié l’incidence de ce problème sur la compétitivité française etc… etc …J’ajoute l’urgence : on a pas besoin de commissions ad hoc et de leurs interminables palabres pour prendre des mesures immédiates et de simple bon sens.

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