Une Communauté Européenne de l’énergie ? Chiche !

1.    Faire de la réduction de 30% de notre consommation d’énergies carbonées le seul objectif européen contraignant à l’horizon 2030 (en remplacement du 3×20 en 2020)

2.    Généraliser, à l’échelle européenne, un système de Certificats d’Economies d’Energie ambitieux et simplifié

3.    Donner de la visibilité sur l’évolution future du prix des émissions de gaz à effets de serre en complétant et en homogénéisant les mécanismes de taxation carbone

4.    Mettre en place une centrale européenne de l’achat de pétrole et de gaz

5.    Fusionner les opérateurs en charge des réseaux de transport de l’électricité en Europe occidentale

6.    Lancer des appels d’offre et des programmes de recherche européens pour développer les innovations en matière énergétique

Lors de sa conférence de presse du 16 mai 2013, le Président de la République a annoncé une initiative visant à relancer l’Union Européenne, avec en particulier la mise en place d’une Communauté européenne de l’énergie dont l’objectif serait d’assurer la transition énergétique à l’échelle européenne. Si les intentions sont louables, ce projet est singulièrement flou, nous proposons donc de lui donner du contenu et de la consistance à travers plusieurs grands principes.

Tout d’abord, au concept de « transition énergétique » que le gouvernement français cherche à imposer, dans la lignée de l’Energiewende allemand, et dont personne ne sait exactement ce qu’il recouvre, nous préférons celui de « transition carbone ». En effet, la réduction de notre consommation d’énergies carbonées est le grand défi posé à l’Europe pour les décennies à venir : tant pour des raisons stratégique avec une plus grande indépendance énergétique, qu’économique avec le rééquilibrage de notre balance commerciale ou encore environnementale avec la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.

Ainsi, à l’heure où l’Europe doit discuter de la mise à jour de son paquet « Energie-Climat », avec en particulier la définition de nouveaux objectifs à l’horizon 2030, nous préconisons de passer des trois objectifs actuels (20% de réduction des émissions de gaz à effet de serre, 20% d’énergie renouvelables et 20% d’efficacité énergétique) à un seul objectif de réduction de notre consommation d’énergies carbonées, qui pourrait être de 30% d’ici 2030. En effet, la multiplication des objectifs nuit souvent à l’efficacité des politiques publiques car ils peuvent se révéler contradictoires. Par ailleurs, si les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique sont des moyens pour réduire notre dépendance carbone, le choix du nucléaire en est un autre qu’il convient de faire respecter au niveau européen. Il importe de laisser à chaque Etat le soin de trouver le chemin optimal pour remplir ses objectifs, en application du principe de subsidiarité.

En matière d’efficacité énergétique, plutôt que d’assigner un objectif chiffré à chaque Etat, nous proposons de généraliser (et de simplifier) le système des Certificats d’Economies d’Energie (CEE), qui existe en France depuis 2005 à l’échelle européenne. Ce dispositif consiste à obliger les vendeurs d’énergie (électricité, gaz, fioul, carburant) à réaliser un certain volume d’économies d’énergie en fonction de leur chiffre d’affaire, tout en leur laissant une totale liberté de moyen. Il contribue à transformer le modèle des opérateurs du secteur en les faisant passer de vendeurs de quantité d’énergie à prestataires de services énergétiques. Cette généralisation du dispositif à l’échelle européenne est cohérente avec l’ouverture des marchés de l’énergie à l’œuvre depuis le début des années 2000.

Si l’Europe a mis en place le premier marché mondial de quotas de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, celui-ci est encore largement perfectible et il convient de compléter ce système de taxation carbone. Tout d’abord, les acteurs industriels, seuls concernés par le système actuel, ont besoin d’une meilleure visibilité sur l’évolution du prix des quotas carbone pour réaliser des investissements pertinents, ce qui peut passer par des interventions ciblées sur ce marché pour garantir un prix plancher croissant dans le temps. Cette mesure n’est acceptable que si la compensation carbone aux frontières de l’Europe voit enfin le jour, afin de ne pas favoriser les délocalisations en dehors de l’UE. Enfin, une fiscalité carbone touchant le secteur diffus (en particulier le résidentiel) doit être harmonisée à l’échelle européenne, à prélèvements obligatoires constants, pour compléter le dispositif.

De manière plus générale, le dumping énergétique doit être strictement proscrit au sein de l’Union Européenne. Cela ne signifie pas que le prix de l’énergie soit partout le même pour les entreprises européennes, mais qu’il permette bien de couvrir les coûts de production et de distribution de l’énergie consommée. De ce point de vue, la récente décision du tribunal de Düsseldorf remettant en cause l’exemption du tarif d’acheminement de l’électricité pour les industriels énergivores allemand est une bonne chose.

Afin de baisser les coûts d’approvisionnement en énergie fossile de l’UE, il est temps de mutualiser nos moyens et de mettre en place une centrale européenne d’achat du pétrole et du gaz. Une telle entité permettrait d’affirmer l’unité européenne et de peser plus lourd dans les négociations commerciales face aux pays exportateurs (Russie, OPEP,…). Cela se traduirait par une plus grande solidarité entre les Etats membres et à une augmentation globale du pouvoir d’achat des européens.

Depuis la création d’EADS en 2000, l’Europe est en manque de grands projets industriels. Les réseaux électriques offrent l’opportunité d’un nouveau rapprochement d’envergure entre la filiale d’EDF (RTE) et les réseaux de transports allemands, italiens et espagnols afin de créer une véritable Europe de l’électricité. Un tel projet faciliterait le développement des interconnexions entre les différents pays européens et permettrait de mutualiser les coûts pour relever des défis comme l’accueil des énergies renouvelables intermittentes ou le déploiement des réseaux intelligents (smart grids).

Pour poursuivre dans la logique du développement industriel autour de la transition carbone, nous proposons de lancer des appels d’offres européens pour développer de nouvelles technologies innovantes, comme l’éolien offshore, l’hydrolien, l’hydrogène, le captage de CO2 ou encore le stockage d’électricité. En effet, il n’est pas optimal que chaque Etat lance ses propres projets à l’échelle nationale, se privant ainsi de précieux effets d’échelle. Par ailleurs, ce recours aux appels d’offre permet de développer de véritables compétences sur le sol européen, par opposition aux tarifs de rachat qui ont prévalu jusqu’ici (sur l’éolien terrestre et le solaire photovoltaïque) et qui ont surtout eu pour effet de dégrader notre balance commerciale.

Enfin, l’Europe doit également se préparer à l’après-demain, à travers des programmes de recherche communs en matière énergétique entre ses grandes universités et ses grands organismes de recherche. On peut penser aux biocarburants de 2ème ou 3ème génération, au nucléaire du futur (réacteurs rapides dits de 4ème génération) ou encore aux nouvelles technologies solaires.
Loin des grands mots et des formules creuses, nous offrons ainsi des perspectives concrètes et ambitieuses au projet de Communauté européenne de l’énergie. Nous choisissons résolument de privilégier l’efficacité à l’idéologie, pour faire de la « transition carbone » le grand défi européen des prochaines décennies.

Poster un commentaire